Les Sinners
Les Sinners
- Groupe (Arthur Cossette, François Guy, Alain Jodoin, Georges Marchand, Louis Parizeau, Charles Prévost-Linton, Daniel Valois)
- Auteur et/ou compositeur
- Interprète
- Artiste québécois
Ressources web
Biographie
Intellectuels, dévergondés, enfants terribles du yé-yé... Au coeur de l’image relativement sage des années 60, les Sinners portent bien leur nom. Une des premières sorties publiques du groupe, pour marquer la sortie d’un 45 tours, n’est-elle pas une manifestation avec pancartes, sur les marches de l’Oratoire? Arborant un anodin We love the Sinners, les faux piqueteurs s’éparpillent soudain dans différentes directions et la moitié restante du slogan devient We love Sin... Le ton est donné: ces pécheurs ne sont pas du tout repentants et auront tendance à renchérir sur les frasques de leurs idoles: les Beatles pour l’inspiration musicale et les Rolling Stones pour l’attitude.
Au milieu des coups d’éclat et des déclarations fracassantes, les membres se succèdent, mais l’esprit demeure, pendant la première partie de leur étonnante carrière du moins. De leurs premiers élans, au milieu de la décennie, il nous reste trois 45 tours et un album: “Sinerisme“ (sic), devenu un des plus recherchés parmi les adeptes de cette époque. C’est toutefois avec leur reprise de la première chanson ouvertement psychédélique des Beatles “Penny Lane" que le groupe réussit à s’imposer sur les ondes, au moment où leurs amis des Mersey’s font de même avec une chanson que les Sinners avaient déjà à leur répertoire “Je suis las" ou plus exactement “L’herbe est verte mais je suis las" tel qu’inscrit sur le 45 tours London, étiquette choisie pour la simple raison que c’était celle des disques des Rolling Stones!
“Penny Lane" de même que leur premier album officiel “Sinnerismes“ paraissent cependant sur Jupiter, étiquette indépendante bien que distribuée par London. C’est le succès immédiat. La fidélité troublante de l’enregistrement, l’adaptation tout à fait conforme dont les paroles sont signées par Stéphane Venne en font un sérieux rival à la pièce originale des Beatles sur les ondes de plusieurs stations de radio. Devant l’impact de ce 45 tours, il leur est difficile d’éviter la redite et c’est une version d’un succès de Herman’s Hermits “Ne reste pas sous la pluie" qui sera leur prochain 45 tours. Toutefois, forts de la complicité de leur public dont une grande partie aime jouer les iconoclastes, ils se présentent en porte-à-faux au moment d’aller présenter ce nouveau 45 tours à l’émission Jeunesse d’aujourd’hui. Faisant fi de la pratique habituelle du lip-sync, ces loustics arrivent sur le plateau en compagnie d’un bébé éléphant et passent les 2 minutes 15 de la chanson à tenter de contenir la pauvre bête terrorisée par cet environnement inhabituel. Ce sera la dernière fois qu’ils gravent une version étrangère, et la dernière fois qu’ils sont invités à cette émission, du moins pour la saison courante!
Les fans assidus ne se privent d’ailleurs pas de jouer les faces B de ces deux 45 tours, “Les grèves d’aujourd’hui" et “Les disc-jockeys" dans tous les juke-boxes qu’ils aperçoivent. Les Sinners ont maintenant leur tribu qu’ils se plaisent à représenter dans certaines de leurs compositions, souvent écrites en collaboration par François Guy et Charles Linton, deux des membres les plus en vue du groupe avec Louis Parizeau, digne émule du batteur Keith Moon. Un autre des personnages marquants de l’histoire des Sinners est Jean-Guy ‘Arthur’ Cossette, ancien membre des Jaguars et guitariste émérite. Ce sont d’ailleurs ces quatre piliers du groupe qu’on retrouve sur la pochette du troisième album, recevant la bonne nouvelle (ou le pardon pour leurs péchés?) dans le décor immaculé du cimetière de la Côte-des-Neiges. Si l’album précédent puisait à un large éventail musical, allant du blues comme dans “Les dents grillées" au menuet de “Versailles 1667", en passant par l’identitaire “Hymne à Ti-Pop" où on remarque la visite de Donald Lautrec autre artiste Jupiter, il en sera tout autrement pour celui-ci. “Vox Populi“ est reconnu comme le premier essai d’album-concept par des artistes pop au Québec. Non seulement y retrouve-t-on une belle unité musicale, presque totalement assumée par le tandem Guy-Linton, mais l’objet lui-même s’écoute d’un trait, diverses interventions vocales ou musicales faisant office d’enchaînements entre les différentes chansons. Parmi celles-ci, on remarque “Kid Sentiment" qui est également le titre du film “ de Gogo vérité sur la jeunesse d’aujourd’hui “ que réalise Jacques Godbout et auquel participent Louis et François. Ce sont cependant les titres “Tard il se fait tard" et “Je ne sais pas" qui sont proposés sur 45 tours. Ces derniers n’atteignent pas la même popularité que les deux précédents mais tournent suffisamment à la radio pour imposer un son propre aux Sinners.
1968 est une année fort active à bien des niveaux. Le groupe le plus singulier de la génération yé-yé et l’auteur-compositeur le plus singulier de la confrérie des chansonniers unissent leurs talents pour souligner à leur façon l’intrusion d’un personnage tout aussi singulier dans l’arène politique. Avec la chanson “Go Go Trudeau", écrite par Tex Lecor, ils annoncent plus qu’ils ne dénoncent l’arrivée de la politique-spectacle. Un peu plus tard, ils récidivent en posant un regard critique sur leurs pairs: “Les hippies du quartier". Ces deux succès, de même que “La ballade du bûcheron", un titre alternatif pour “Le retour des chantiers" de Serge Deyglun, sont portés par la voix de Charles Linton dont ce sera l’ultime contribution, avant qu’il ne quitte ses confrères pour tenter l’aventure en solitaire.
Au départ de Charles c’est George Marchand, un des membres fondateurs des Sinners, qui revient au bercail après avoir séjourné pendant près de deux ans au sein des Mersey’s à titre de bassiste. Le passage à la maison Canusa, propriété de Tony Roman, une ancienne tête d’affiche de la maison Jupiter, coïncide avec le changement de nom qui vient à son tour transfigurer le quatuor. Sans nécessairement se prendre au sérieux, les musiciens de La Révolution Française tournent la page sur un pan de l’histoire des Sinners.
Après une parenthèse de quelques années, Louis et Arthur reforment le groupe à l’occasion du “Long jeu west turn“ de ce dernier. La chanson “Mon 50 cents" est d’ailleurs créditée aux Sinners et accolée à une chanson d’Alain Jodoin, ancien Mersey’s et nouveau chanteur des Sinners: “Je chante", pour sa sortie en 45 tours. L’arrivée de Daniel Valois, chanteur et flûtiste, vient compléter la nouvelle formation. Les nouveaux Sinners s’aventurent à nouveau dans de nombreuses directions, avec un succès inégal. Les chansons “Chicoutimi", “Heavy" et “O.K. l’chien" de l’album éponyme de 1971 sur étiquette Trans-World, tournent dans quelques rares stations F.M. et leur servent de repères en cette période underground. Avec “Messieurs les jurés" le groupe produit son propre bootleg, inspiré du plaidoyer du felquiste Paul Rose, tandis que “Des gens ben correct" est d’abord un jingle commercial basé sur le slogan estival de la chaîne Radio-Mutuel. Incidemment, ce disque sera leur succès le plus commercial des années 70.
Les albums “?“ (publiés en versions française et anglaise) et “Le chemin de croix de Jos Roy“ sont davantage des aventures en studio que le fruit d’une présence régulière sur scène. En ce sens, et par des chemins bien différents, les Sinners auront connu une fin qui peut s’apparenter à celle des Beatles. Mais là s’arrêtera la comparaison. À la différence de ses inspirateurs, le groupe québécois aura connu sa brève résurrection au Club Soda de Montréal, le soir de la St-Valentin 1984. Mais la véritable surprise, celle à laquelle les fans ne s’attendaient pas le moindrement du monde, sera la parution sur DC au début des années 90 du contenu intégral de l’album “Vox Populi“ en version anglaise. Près d’une décennie plus tard, à l’hiver 2002, la maison Mérite ressort une sélection en deux parties des pièces les plus connues du groupe et de La Révolution Française.
Pendant la phase I des Sinners, le groupe était constitué de:
- François Guy: guitare, voix
- Jean-Guy ‘Arthur’ Cossette: guitares (à partir de 1967)
- Georges Marchand: guitare, voix (1965-1967, 1968)
- Charles Prévost-Linton: basse, voix
- Louis Parizeau: batterie
Le groupe a aussi compté dans ses rangs:
- Jay Boivin: guitare, voix (1965-1966)
- Ricky Johnson: guitare (1966)
- Ernie Rock: guitare (1966-1967)
- Daniel ‘Ringo" Laurendeau: batterie (1968)
Pendant la phase II des Sinners, le groupe était constitué de:
- Jean-Guy ‘Arthur’ Cossette: guitares, voix
- Alain Jodoin: voix
- Louis Parizeau: batterie
- Daniel Valois: flûte, guitare, voix (à partir de 1972)
Le groupe a aussi compté dans ses rangs:
- Serge Blouin: basse (1976)
- Claude Hétu: claviers (1976)
- Serge Locas: claviers, melotron (1975, 1976)
- André Parenteau: basse (1970)
- Walter Rossi: guitare (1975)
- Richard Tate: batterie (1975, 1976)
- Denis Violetti: guitare électrique (1976)
© Richard Baillargeon, Roger T. Drolet, 2015, qim.com