Jenny Rock
Jenny Rock
- Autrice et/ou compositrice
- Interprète
- Artiste québécoise
Ressources web
Biographie
Si le rock’n roll a tardé à révéler ses premières vedettes locales dans le Québec de la fin des années 50, il a néanmoins influencé toute une génération de jeunes artistes qui vont se tailler une place de choix quelques années plus tard, lorsque s’imposeront les vagues successives du twist et du yé-yé. Déjà en 1959 celle que l’on présente alors comme la petite émule d’Elvis Presley, Jenny Rock fait bouger toute la province en se présentant, avec son énorme guitare, au sein de la troupe de Jean Grimaldi. Malheureusement, aucun document sonore ne témoigne de cette époque frénétique.
Ce n’est que quelques années plus tard, en 1963, que la maison de disques Sélect lui offre l’opportunité de graver ses premiers enregistrements. Elle prête alors sa voix à de jeunes auteurs de la nouvelle chanson française comme Robert Cogoi ou Michel Paje qui lui fournissent ses premiers succès: “Donne-moi ta jeunesse", “Laisse-moi aimer". Elle y interprète également plusieurs créations locales d’Élizabeth Daniel qui vont de la fantaisie légère à la chanson yé-yé. Les titres “Yé-yé partout" et “Vas-y" sont tout indiqués pour celle que la jeunesse couronnera bientôt comme sa petite reine du rythme. Jenny est en effet élue Découverte féminine lors du Festival du Disque 1965. C’est qu’entre temps, elle est devenue une des artistes les plus populaires auprès de la jeunesse, suite à son interprétation de “Douliou douliou Saint-Tropez", que chantait Geneviève Grad au générique du film Le Gendarme de Saint-Tropez, paru sur les écrans des cinémas québécois au printemps 1965. Cette même année, elle fait partie de la Revue Yé-Yé qui parcourt tout le Québec avant de se rendre en Ontario et au Nouveau Brunswick. Une partie de la tournée, qui met également en vedette Tony Roman, Michèle Richard et Dany Aumont, est filmée par le jeune cinéaste Claude Fournier.
À mesure que déferle la vague des groupes britanniques, la chanteuse se tourne vers le répertoire de ces nouveaux chefs-de-file; elle enregistre ainsi les adaptations québécoises, souvent signées par Lucien Brien, de succès rock comme “Johnny B. Goode" (“Go, go, Jenny Go") et “Walking The Dog". Celle-ci est d’ailleurs empruntée au répertoire des Rolling Stones qu’elle côtoie lors de leur premier passage en terre québécoise, le 23 avril 1965. Jenny est alors la seule artiste francophone à se produire en première partie de leur spectacle à l’Aréna Maurice-Richard.
L’année suivante, Jenny passe chez Compo, maison propriétaire de l’étiquette Apex, qui héberge alors plusieurs idoles du moment, notamment les deux Ginette (Ginette Sage et Ginette Reno), les trois L (Michel Louvain, Pierre Lalonde, Donald Lautrec) et les uniques Hou-Lops. Elle s’impose aussitôt avec “Le sloopy". Cette nouvelle danse, qui annonce la fièvre de la discothèque comme lieu de divertissement, devient le nouveau rythme fétiche de Jenny Rock et lui assure une série de succès au palmarès dont “Viens danser" et “102 de fièvre", classique des années cinquante d’abord popularisé par Peggy Lee “Fever" dont la traduction est de Boris Vian mais que Jenny reprend à la façon beaucoup plus contemporaine des McCoys.
Sur l’album qui suit, titré simplement “Jenny“, celle-ci devient auteure-compositeure-interprète avec les chansons “Playboy" et “Daddy". Cette dernière est une très belle ballade qui dévoile son côté tendre et une qualité d’interprétation des plus intense. Un peu plus tard, elle est choisie pour se produire en première partie du spectacle de Johnny Hallyday, à la Place des Arts. Le voisinage du rocker français s’avère tout à fait inspirant puisque Jenny propose bientôt sur disque son interprétation de “Noir c’est noir", le plus récent succès de Johnny, version de “Black Is Black" du groupe espagnol Los Bravos.
Après une timide percée du côté anglophone, le temps du 45 tours “Come A Little Closer" / “What Must I Do", elle revient brièvement au rythme sloopy puis se tourne du côté de la soul music plus musclée, à la façon de Mitch Ryder & the Detroit Wheels, avec les reprises de “Devil With A Blue Dress On" (“Jenny le petit démon") et “Sock It To Me Baby" (“C’est pour toi"). Cependant, malgré l’excellence de ces nouveaux enregistrements, aucun ne connaît l’engouement des disques précédents. On retrouve son nom sur diverses étiquettes, notamment Citation où le producteur Denis Pantis lui fait graver quelques-uns de ses titres les plus éclatants dont “Le train pour Memphis" (“Memphis Train" du groupe Buddy Miles Express) et l’inattendue “Donne-moi le temps", version de “Piece Of My Heart" à laquelle se sont aussi mesurées des interprètes de la trempe de Janis Joplin et Tina Turner.
La chanteuse quitte alors brièvement le monde du spectacle afin de poursuivre ses études. Cependant, elle ne tarde pas à revenir à la scène et va se produire pendant quelques années dans le réseau des hôtels chics et des casinos, à Las Vegas entre autres. De retour au Québec au début des années quatre-vingt, elle se partage entre de nouveaux concepts de revues musicales (Je suis une femme, De plus en plus rock’n roll), la participation à des comédies légères comme Les twittes grises ou des soirées à caractère rétro. Elle grave alors quelques nouvelles chansons: “Le rock dans les rues", “Une femme est une femme", “Je vous aime tous les deux" mais se heurte, comme beaucoup d’artistes, aux nouvelles barrières des créneaux musicaux que s’imposent les radiodiffuseurs. Toutefois, quelques incursions dans les temples de la jeune génération lui permettront de se faire apprécier de nouveaux publics, tout au long des années 80 et 90.
Toujours active, elle suscite l’intérêt d’un public varié et fait preuve d’une versatilité qui lui permet de se faire valoir dans des sphères aussi diverses que le R&B, les spectacles à saveur nostalgique ou un tour de chant gospel. À l’instar de plusieurs autres artistes qui ont fait carrière pendant les années soixante et soixante-dix, une compilation de ses anciens succès a vu le jour à l’automne 1999, dans la collection Chapeau les filles! parue chez les Disques Mérite.
© Richard Baillargeon, Roger T. Drolet, 2015, qim.com