Beau Dommage
Beau Dommage
- Groupe (Pierre Bertrand, Marie Michèle Desrosiers, Réal Desrosiers, Michel Hinton, Pierre Huet, Robert Léger, Michel Rivard)
- Interprète
- Artiste québécois
Ressources web
Biographie
Après avoir marqué de leur sceau la décennie des années soixante-dix, Beau Dommage allait connaître une deuxième carrière tout aussi éclatante deux décennies plus tard, fait rarissime dans la carrière d’un groupe québécois. Voyons de plus près ce qui a pu donner à ces cinq - ou six - jeunes Montréalais un tel élan.
À l’origine on retrouve La Quenouille Bleue, troupe de théâtre un peu éclatée qui sévissait à l’Université du Québec à Montréal vers 1970. Ces étudiants à l’esprit aventureux concevaient des revues où on signait tout collectivement: mise en scène, textes, musiques et folie... Durant l’été, on faisait même des tournées à travers le Québec. Plusieurs artistes réputés dont Serge Thériault et Gabriel Arcand sont sortis des rangs de La Quenouille. Michel Rivard, Michel Hinton, Robert Léger et Pierre Huet étaient également du nombre et lorsque l’expérience s’acheva, ces quatre lurons commencèrent à se rencontrer chaque semaine pour écrire et répéter de nouvelles chansons.
Rivard demande alors à un ami de longue date, Pierre Bertrand de se joindre à eux. Quelque temps plus tard, Marie Michèle Desrosiers, qui se produit à ce moment à l’École nationale de théâtre, est aussi admise dans le groupe. C’est à cette époque que les chansons “Chinatown", “Montréal" et “Harmonie du soir à Châteauguay" sont composées. À l’automne 1973, le groupe décide de s’adjoindre un batteur en la personne de Réal Desrosiers et s’ensuit une série de spectacles qui les amène à signer un contrat d’enregistrement avec la filiale canadienne de la célèbre maison Capitol.
Le premier album du quintette est un triomphe: plusieurs centaines de milliers de copies s’envolent au cours de l’année suivant sa sortie à la fin de 1974, et ce autant au Québec qu’en France. Les chansons qu’il contient sont toutes empreintes d’une grande maturité artistique: “À toutes les fois", “Le picbois", “Tous les palmiers". Chantres d’une certaine urbanité, ils se distinguent des adeptes inconditionnels d’un retour à la vie rustique tout en partageant plusieurs des valeurs de la jeunesse soucieuse d’humanisme libertaire et d’écologie. La chanson “Le blues d’la métropole", succès indéniable de l’album “Où est passée la noce?“ constitue en ce sens un éloquent manifeste de la philosophie du groupe. En 1976, le groupe se joint à ses célèbres contemporains Harmonium, Octobre et Contraction lors des célébrations de la Fête nationale, une événement demeuré dans l’ombre des autres manifestations du genre mais qui attire néanmoins quelque 300 000 personnes sur les flancs du Mont Royal. Quelques semaines plus tard, ses membres se voient offrir de créer la musique du film de Michel Tremblay et André Brassard: Le soleil se lève en retard.
En 1977, Beau Dommage voit se dessiner un début de volet international à son aventure, se produisant en France lors d’une tournée avec Julien Clerc puis parcourant seul les routes du pays. Deux autres albums voient le jour jusqu’à la dissolution du groupe l’année suivante, alors que les musiciens-chanteurs décident de tenter leur chance en solitaire. Chacun mène dès lors une carrière très fructueuse. C’est particulièrement le cas des Rivard, Bertrand et de Marie Michèle Desrosiers qui cumulent de grands succès à titre d’artistes solistes.
En 1984, au grand plaisir de tous, le groupe se reforme le temps de deux concerts à Québec et Montréal et d’un enregistrement devant public; le prétexte en est le dixième anniversaire de fondation du groupe. Une nouvelle génération d’admirateurs est emballée de réentendre “Ginette", “Le blues d’la métropole" et tant d’autres succès.
En 1991, les quatre premiers albums du groupe, “Beau Dommage“, “Où est passée la noce?“, “Un autre jour arrive en ville“ et “Passagers“, sont réunis en coffret audionumérique. Ces disques nous permettent, quelque vingt-cinq ans plus tard, de savourer la pureté et la naïveté lumineuses de ces baby boomers inspirés.
Une autre surprise fort agréable attend le public lors des fêtes du 350ième anniversaire de fondation de Montréal en 1992. En effet, lors des FrancoFolies, on retrouve Beau Dommage sur scène au Forum pour interpréter quelques titres. Sur cet élan, le groupe se reforme plus sérieusement en 1994 et lance un nouveau disque composé uniquement de chansons inédites qui n’ont rien à envier aux sonorités et émotions de leur première époque. Les chansons “Échappé belle", “Sur la véranda", “Rive-sud" et “Le retour du flaneur" ne sont que les éléments les plus visibles de cette plus récente cuvée de succès. Il s’ensuit une nouvelle tournée québécoise d’envergure, des apparitions fortement médiatisées, trois vidéoclips et... un second disque double en concert intitulé “Rideau“, enregistré au Forum de Montréal le printemps suivant puis lors de leur ultime passage à la Place des Arts à l’occasion des FrancoFolies 1995, qui propose en prime deux enregistrements inédits que Beau Dommage avait enregistrés avec Félix Leclerc: “Bozo" et “La mort de l’ours". On sait que Félix avait déjà endisqué “La complainte du phoque en Alaska" composée par Rivard et créée par Beau Dommage, honneur que le roi heureux n’a rendu qu’à très peu de ses contemporains puisqu’il ne gravait généralement que ses propres compositions.
Suite au virage qu’avait pris la pop québécoise avec la décennie soixante-dix (Charlebois, Dufresne, Pagliaro, Offenbach), Beau Dommage fut le premier groupe à rallier presque instantanément plusieurs générations grâce à des mélodies et à des arrangements inventifs et des paroles exprimant sans condescendance la réalité quotidienne de la classe populaire. Vingt ans après leur irruption sur la scène musicale, et à l’encontre de la plupart des retours d’artistes effectués sous le coup d’une certaine nostalgie, les membres de Beau Dommage réussissent le tour de force de s’avérer une nouvelle fois fort contemporains dans leur propos. Pour leurs fans, l’histoire se prolonge donc et ne se répète point!
Avec Harmonium, Beau Dommage représente, mieux que tout autre artiste, l’émergence d’un genre musical typiquement québécois, nourri par les grands courants internationaux mais ancré profondément dans la québécitude.
Le groupe est constitué de:
- Pierre Bertrand: guitare, basse, chant
- Marie Michèle Desrosiers: claviers, chant
- Réal Desrosiers: batterie
- Pierre Huet: parolier
- Robert Léger: claviers, flûte
- Michel Hinton: claviers (à partir de 1975)
- Michel Rivard: guitare, chant
© Richard Baillargeon, Roger T. Drolet, 2015, qim.com