Raôul Duguay
Raôul Duguay
- Auteur et/ou compositeur
- Interprète
- Artiste québécois
La boîte aux paroles
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Biographie
Dans le monde souvent éphémère de la chanson, tout comme en notre siècle emporté par le tourbillon de l’instantané, il est quelques créateurs qui accordent toute priorité à la réflexion et au contenu, bien avant de se préoccuper de faire carrière. Ceux-ci disparaissent et reviennent dans le décor, surprenant à chaque fois ceux qui leur prêtent l’oreille. Raôul Duguay est de cette espèce d’oiseaux...
Après s’être initié à diverses disciplines au cours de ses jeunes années, ce poète, philosophe et phonéticien fut tour à tour une figure de proue de la frénésie psychédélique de la fin des années 60, entre au moins 33 autres incarnations, se faisant par la suite plus discret... entre deux apparitions médiatiques. Son onzième album en solo, seizième en carrière, “J’ai soif“ paru à l’automne 2010, est ainsi aux antipodes de l’exubérance infoniaque. Le thème de l’eau, en plus d’attirer l’attention sur un enjeu de plus en plus convoité, ramène l’humain à la source même de l’existence.
Né à Val d’Or en Abitibi “... le 13 février 1939" comme il se plaisait à le consigner dans sa chanson autobiomythique “La bittt à Tibi" parue sur son premier album en tant que chansonnier populaire, c’est une trentaine d’années plus tard qu’il se fait connaître sur la scène musicale au sein du groupe l’Infonie. Quand il fait la connaissance de Walter Boudreau et de son premier noyau de collaborateurs, en 1967, Raôul Duguay a déjà un cheminement personnel fort diversifié.
Fils de musicien, il fait d’abord partie de chorales au cours de son enfance avant de découvrir la trompette vers l’âge de quinze ans. Il écrit dans les journaux étudiants, écoute les Classiques et rédige ses premiers poèmes au tournant des années cinquante et soixante. Il publie ses premiers articles comme chroniqueur culturel dans un journal local, joue dans la fanfare, participe à ses premières émissions radio et accompagne les géologues puis les bûcherons en tant qu’assistant (ou helper) pendant ses vacances scolaires.
Déménagé à Montréal où il poursuit ses études, il fait la connaissance de Gaston Miron et de jeunes poètes avec qui il fonde une revue intitulée Passe-partout. Son premier spectacle où se mêlent poésie, musique et peinture attire l’attention du cinéaste Jean-Pierre Lefebvre qui est dans la salle et lui propose un rôle dans son prochain film Mon amie Pierrette. On retrouve ensuite le jeune auteur dans le collectif de la revue Parti-Pris où, en osmose avec le poète Paul Chamberland, il prône l’adoption de l’orthographe Kébèk pour désigner le pays, d’après le texte conservé en l’Église Notre-Dame-des-Victoires de Place Royale: “Deux providere Kebeka liberata", à peu près au même moment où paraissent ses premiers recueils de textes: Ruts (1966) et Or le cycle du sang dure donc (1967).
Critique littéraire à Parti-Pris, il devient chroniqueur musical à l’émission Carnet des arts à Radio-Canada. Les entrevues qu’il y effectue seront l’objet du recueil Musiques du Kébèk, publié quelques années plus tard. C’est au cours de cette même année 1967 qu’a lieu la rencontre de Raôul Duguay et de Walter Boudreau, jazzman également porté vers l’éclatement des formes de spectacle, lors d’un récital à l’Expo-théâtre. Ils décident alors de monter un spectacle multidisciplinaire (bien avant que le mot ne soit passé dans le langage quotidien) au TNM: Babababellllll. L’Infonie pouvait dès lors exister!
Le passage de Raôul Duguay au sein de l’Infonie est marqué de participations à des événements aussi divers que mémorables: La Nuit de la Poésie fait l’objet d’un film documentaire de Jean-Claude Labrecque; un spectacle de soutien aux personnes emprisonnées suite à l’application de la Loi sur les mesures de guerre, enregistré au théâtre Le Gésu en janvier 1971, devient l’album “Poêmes et chants de la résistance 2“. La vie-même à l’intérieur du groupe est portée à l’écran par le cinéaste Roger Frappier sous le titre L’Infonie inachevée. Comme les autres infoniaques, Raôul y adopte la dénomination globale (envers + endroit = le touttt en tout) et se présente comme Raôul Luôar Yaugud Duguay. Ses allures insolites complétées par sa présence à la fois joviale et inspirée en font un des phares de la contre-culture qui émerge alors de l’anonymat dit underground. En même temps qu’il anime les spectacles de l’Infonie, Luôar publie trois livres coup sur coup aux Éditions du Jour: Le manifeste de l’Infonie ou le ToutArtBel, Musiques du Kébèk et L’Apokalipsô. Il participe à plusieurs émissions radio, rejoue dans les films Q-Bec My Love et Mon oeil de Jean-Pierre Lefebvre, publie des textes dans diverses revues et périodiques dont La Barre du jour, Parti-Pris, Culture vivante, Mainmise, etc. Déjà sensibilisé à l’attrait de l’image autant que de la parole et du son, il scénarise, réalise et apparaît lui-même dans le film Ô ou l’invisible enfant ou, qui se veut une dimension supplémentaire de l’Infonie.
Avant même son départ du groupe, il commence à se produire en solo, arborant des tenues toutes plus excentriques les unes que les autres dont le fameux chapeau-panache tenant le globe terrestre entre ses bois. En 1971, il se rend en France où il participe à une série de spectacles en première partie de Hugues Aufray, à Bobino. Lors de son séjour en Europe, il fait la connaissance de Julos Beaucarne qui devient un grand ami et un complice de musique. À son retour, il prépare son premier véritable spectacle en solo: Tôuseul ak tôulmônde puis prépare son retour sur disque. Raôul Duguay s’affirme désormais à son tour comme un faiseur de chansons qui se veut accessible tout en utilisant divers niveaux de langage. Son pari est gagné dès le premier album “Alllô tôulmônd’“ où les thèmes plus songés comme “Le chemin", “Le désert" ou “Le vôyage" s’insèrent entre le si reconnaissable “Touttt étô bouttt" et le futur grand succès “La bittt à Tibi".
Tout en connaissant un succès fort remarqué en tant qu’interprète, il collabore avec d’autres artistes, à titre de musicien (Maneige) ou d’auteur (les Séguin). En compagnie des groupes Beau Dommage, Contraction, Harmonium et Octobre, Raôul Duguay participe à un méga-spectacle à l’été 1976. La même année, il propose un second microsillon “L’Envol“ qui, quoique dans une veine musicale semblable, ne connaît pas le même accueil que son premier album. Le même sort attend son troisième effort “M“ et il faut attendre le double album “Vivant avec tôulllmônd“ pour retrouver une réponse populaire qui se compare à l’impact initial. Le public y retrouve le brin de folie que sait communiquer l’artiste sur une scène mais qu’il est difficile de recréer dans la froideur d’un studio. Naturellement, les chansons les plus marquantes des trois disques précédents s’y retrouvent mais un des moments les plus remarquables de sa performance, enregistrée au Théâtre St-Denis, est le long monologue qui entoure la présentation du personnage “Alll Tôuttt" où il transporte littéralement son auditoire sur ses envolées vocales. D’ailleurs, les explorations phonétiques sont depuis longtemps son matériau le plus malléable face à n’importe quel public. Il donne d’ailleurs bientôt une nouvelle dimension à son art vocal à partir du début des années quatre-vingt, alors qu’il offre des ateliers de formation professionnelle sur le thème de La voie de la voix.
Tout en continuant d’enregistrer de nouvelles chansons de façon sporadique, Raoûl Duguay se consacre dès lors surtout à la tenue de conférences et d’ateliers portant sur des sujets aussi divers et complémentaires que la technique vocale, l’écriture chansonnière, la créativité, la communication, la motivation et l’écologie du cerveau.
Absent de la scène musicale pendant près de dix ans, il y revient en 1998 alors qu’il participe à la création des chansons du spectacle “Les légendes fantastiques“ de Normand Latourelle, dont la musique est composée par Michel Cusson. L’année suivante, c’est à son tour de proposer un nouvel album “Caser“. Produit par Claude Dubois, on y retrouve treize pièces poétiques et musicales en continuité avec ses chansons intemporelles, sur de nouvelles formes musicales. Ainsi “Alll Touttt Fadir", “Raôulant" et “wwwbabel.com" réfèrent à des thèmes abordés dans ses premiers microsillons tandis que “Le rêveur réveillé" fait écho au Pain-Beurre du Manifeste de l’Infonie. Les relectures de “La bittt à Tibi" et “Le vôyage" y côtoient les nouveaux manifestes que sont “Le Lys" et “Pour l’amour de la vie".
Ayant déjà amorcé une autobiographie en 1979, Raôul Duguay ou le poète à la voix d’ô, celui-ci publie une première compilation de ses textes en 1995 sous le titre Réveiller le rêve. Il prépare ensuite un volet d’anthologie qui remonte à l’épopée de L’Infonie, le bouttt de touttt, comprenant poèmes, partitions, dessins, critiques et autres artéfacts à l’automne de l’an 2000. La publication précède une Musicographie diffusée à MusiMax. Une nouvelle génération découvre Luoar et certains comme Laizenzymes ou Dan Thouin sont secoués par la justesse de ses propos. En 2006, un jeune artiste de Rouyn-Noranda, Anodajay inclut “Le beat à Ti-bi", à son album “Septentrion“ et provoque une nouvelle flambée d’enthousiasme, trente ans après la première parution de la chanson.
Lui-même est loin de demeurer inactif. Il prépare un recueil de ses textes politiques sous le titre Kébèk. Miroirs et mémoires, tout en amorçant une nouvelle tournée qui précède le lancement de l’album “J’ai soif“. Celui-ci est entièrement dédié à la préservation de l’eau potable, cause pour laquelle il s’implique notamment en joignant la Coalition Eau Secours! Les deux projets aboutissent à l’automne 2010, tandis que le cinéaste Yves Langlois s’arrime à la production d’un film prévu pour 2012.
À des lieues de l’exubérance de l’époque wézi-wézo, les nouvelles chansons ont la gravité que nécessite leur sujet tout en se voulant une ouverture sur la perspective d’un monde plus équilibré. “La marée aux mille vagues", pour une, est un véritable hymne au Saint-Laurent. Flirtant parfois avec les musiques du monde, l’artiste inclut à la toute fin des saluts à deux mélodistes qui ont vécu à 500 ans d’intervalle, “Ève" sur une mélodie séculaire (la pavane “Belle qui tiens ma vie" de Thoinot Arbeau) et “Ode à une belle inconnue" de Pierre Nadeau. Heureusement, il est toujours permis de rêver. Et du rêve jaillissent souvent les solutions!
On peut visiter le site officiel de Raôul Duguay.
© Richard Baillargeon, Roger T. Drolet, 2015, qim.com
Œuvres populaires
Albums
Titre | Année | Artiste(s) |
---|---|---|
Alllô tôulmônd | 1975 | Raôul Duguay |
Le chemin / tôuttt étô bôuttt | 1975 | Raôul Duguay |
L’Envol | 1976 | Raôul Duguay |
La sôlitud | 1976 | Raôul Duguay |
M | 1977 | Raôul Duguay |
Vivant avec tôulllmônd | 1978 | Raôul Duguay |
On s’m ô Kébek | 1979 | Raôul Duguay |
O l’invisible enfant | 1979 | Raôul Duguay |
Lettre à toulmond | 1980 | Raôul Duguay |
Le Chanteur de pomme | 1982 | Raôul Duguay |
Wéziwézo | 1982 | Raôul Duguay |
Le chanteur de pomme | 1982 | Raôul Duguay |
Douceur | 1985 | Raôul Duguay |
Nova | 1989 | Raôul Duguay, Michel Robidoux |
Monter en amour | 1992 | Raôul Duguay |
Monter en amour - compile -Live | 1992 | Raôul Duguay |
Atlantide / Golgot(h)a | 1992 | Walter Boudreau, Michel-Georges Brégent, Raôul Duguay |
Caser | 1999 | Raôul Duguay |
In C | 2000 | Walter Boudreau, Raôul Duguay, Ensemble de la Société de musique contemporaine du Québec |
J’ai soif | 2010 | Raôul Duguay |