Donald Lautrec
Donald Lautrec
- Auteur et/ou compositeur
- Interprète
- Artiste québécois
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Biographie
Revenu dans l’espace médiatique après plus de deux décennies d’absence, Donald Lautrec officialise son retour en 2009 avec son album “Lautrec à jamais“. Preuve que si un artiste peut s’éloigner de son art, celui-ci défie le temps et reste tout de même présent quelque part. Avec ce retour, c’est aussi un quart de siècle de chanson pop du Québec qui reprend place, au-delà des modes et des nouveaux pas. D’ailleurs celui qui fut l’idole d’une génération a aussi oeuvré ailleurs que dans la chanson pop, ayant choisi d’expérimenter les diverses facettes du métier.
C’est d’abord comme acrobate que le jeune Donald Bourgeois a fait ses premiers pas dans l’univers du spectacle. Mais la rencontre de l’impresario Yvan Dufresne, au début des années 60, va donner une nouvelle orientation à sa carrière. Celui-ci s’occupe déjà de la plus grande vedette pop du temps: Michel Louvain. Cependant, comme le public adolescent est alors en pleine croissance, la maison Apex estime qu’il serait avantageux de miser également sur un jeune meneur dans la chanson de rythme qu’on allait bientôt désigner sous le nom de yé-yé.
Les premiers essais de son protégé dans le créneau de la rengaine adolescente alternent entre la création locale, alors à ses tout débuts, et l’adaptation de succès américains. Il lui arrive aussi d’emprunter au répertoire déjà connu outre-mer. Sur son premier album, paru en 1963, Donald Lautrec reprend un titre de Claude Nougaro “Les Don Juan" et un autre de Félix Leclerc “Le petit bonheur". C’est cependant à l’aide de versions de chansons à l’américaine qu’il s’impose comme un habitué des palmarès. Soulignons que le jeune interprète ne tarde pas, dès son troisième 45 tours, à écrire lui-même certaines de ses adaptations comme “Linda aux yeux bleus" et “Loop de loop". Pour consolider la popularité de ses artistes, l’habile manager crée des duos instantanés réunissant des artistes Apex. C’est ainsi que Donald donne la réplique à Ginette Sage dans “Hey, Paula" puis à Pierre Lalonde, autre idole montante et animateur de l’émission hebdomadaire Jeunesse d’aujourd’hui, pour “Ah! Vive les filles" et “Le secret du bonheur".
À peine la nouvelle idole a-t-elle le temps de connaître ses premiers véritables succès que le monde du spectacle vit un important bouleversement. Des titres twist comme “Ce serait la fin du monde" ou “Loddy Lo", qui étaient dans le ton il y a quelques mois, semblent soudain appartenir à une autre époque au moment où la beatlemanie frappe l’Amérique et le monde. Yvan Dufresne et le réalisateur fétiche de la maison Apex, Pierre Nolès, ne tardent pas à comprendre ce qui arrive et Donald devient une des figures dominantes de la vague yé-yé avec des adaptations de “All My Loving" et de “Hippy Hippy Shake", devenues “Toi l’ami" et “La fille qui me plait". C’est cependant un autre style musical qui donnera véritablement le ton à sa carrière.
Ayant remarqué un nouveau rythme lors d’un séjour de vacance aux Antilles, un couple d’amis ramène un disque jamaïcain et le fait entendre à Donald et au wonder boy des studios montréalais Pierre Nolès qui lui fait enregistrer le premier d’une nouvelle série de succès: “C’est le ska". Parmi les danses qui sont proposées quasi hebdomadairement à la jeunesse, le ska devient une véritable frénésie: des dizaines de vedettes jeunesse, telles Michèle Richard, Monique Jetté et plusieurs autres, gravent au moins un titre de ska. Pour Donald, ce sera un véritable tremplin: “C’est toi mon idole", “Manon, viens danser le ska" puis “Jamaica Ska" suivront bientôt. Tout en étant populaire auprès de la jeunesse, ce dernier se produit également pour le public des cabarets en participant à des revues dont les différentes éditions de Zéro de conduite, avec Dominique Michel, Denise Filiatrault et Jacques Desrosiers.
À partir de 1965, suite au succès de “Manon, viens danser le ska", Donald Lautrec devient un des champions indélogeables du palmarès local avec “Tu dis des bêtises “, “Un tout petit peu trop tard", “Action". Au prochain Gala des artistes, on lui décerne le titre de Découverte masculine de l’année ‘65, honneur qu’il partage avec Jenny Rock. Cette même année, il tourne une scène pour le film Pas de vacances pour les idoles de Denis Héroux, aux côtés de Joël Denis, des Hou-Lops et des comédiens Marcel Cabay, Jacques Godin, Suzanne Lévesque et Albert Millaire. La chanson “Loin dans ma campagne", qui figurait sur l’album précédent et qu’on retrouve dans ce film, est gravée sur 45 tours pour répondre à la demande populaire.
Donald est maintenant une des vedettes majeures de la maison de disques Jupiter, nouvelle étiquette que fonde son producteur Yvan Dufresne. On y retrouve plusieurs artistes dans le vent comme Tony Roman, les Misérables et l’auteur-compositeur Marc Gélinas. Donald lui-même se remet à l’écriture et co-signe plusieurs nouvelles chansons: “Dis bonjour à tous les copains" avec Roman, “J’ai besoin de ton amour" avec Dufresne, “Hey hey petite fille" avec Jo Moutet. Les collaborations avec la France s’intensifient: plusieurs de ses enregistrements comptent maintenant sur la participation d’orchestres européens, entre autres ceux de Christian Chevalier et de Jo Moutet, ce dernier ayant notamment été un proche collaborateur de... Georges Guétary.
L’année 1966 apporte un renouvellement dans le style du chanteur. S’il puise encore au hit parade pour certains refrains, les premières collaborations avec Stéphane Venne annoncent de plus grands changements encore. Son nouvel album surprend les fans habituées à son image de jeune premier des années précédentes: un cahier de photos grand format est inclus à une pochette ouvrable où n’apparaît aucun titre, ni même le nom de l’artiste; pour deux créations inédites, celui-ci est accompagné du groupe Les Misérables; enfin, sur la photo recto, le chanteur arbore pour la première fois les verres fumés qui deviendront un signe distinctif quelques saisons plus tard.
Suite à son interprétation de la chanson officielle de l’Expo 67 “Un jour, un jour / Hey Friend, Say Friend", le prochain microsillon pousse un peu plus loin la démarcation avec ses confrères de la génération yé-yé. Deux chansons du répertoire dit chansonnier s’ajoutent aux refrains plus pop: “Ton nom" de Claude Gauthier, “La Manic" de Georges Dor. Le choix de cette dernière s’imposait, suite à l’interprétation que Donald en avait faite quelques semaines plus tôt au Festival international de la chanson de Sopot, en Pologne, qui lui a valu le Troisième Prix. Ces incursions chez les auteurs-compositeurs-interprètes reconnus voisinent des emprunts à Procol Harum “Le jour du dernier jour", Johnny Rivers “À quoi bon tous ces violons" ou au jeune Baschung (Alain Bashung) “T’as qu’à dire yeah". Encore une fois, il s’assure la collaboration d’orchestres de l’Hexagone (ceux de Jacques Denjean et d’Armand Migiani) pour certains titres, tandis que d’autres affichent les arrangements et l’accompagnement de François Cousineau.
Parallèlement, le nom de Lautrec est accolé à des mélodies d’autres artistes des palmarès québécois tels Daniel Guérard: “Si le chapeau te fait" et Thérèse Deroy: “Que Dieu protège notre amour". De son côté, Donald chante une ballade signée Serge Gainsbourg “Ne dis rien" en duo avec la populaire animatrice de l’émission Jeunesse Oblige, Chantal Renaud, pour qui ce titre marque ses débuts sur disque. Un peu plus tôt, on avait pu entendre la voix de l’idole en caméo sur un titre du premier microsillon des Sinners, nouveau groupe vedette des disques Jupiter. “L’hymne à Ti-Pop" est un pamphlet moderniste qui déboulonne certaines icônes de la tradition populaire locale, quelques mois avant que l’ouragan Charlebois ne s’élève dans le panorama.
1968 est une année marquée de nouveaux voyages; au Brésil, où il participe au Festival international de la chanson populaire de Rio, ainsi qu’en Europe. Il se produit sur scène en France, avec la troupe de Nana Mouskouri, et se rend tourner en Espagne, dans le film Le diable aime les bijoux où il partage la vedette avec Michèle Torr. L’année suivante, c’est à Londres qu’il enregistre plusieurs chansons sous la direction d’Arthur Greenslade. L’album qui en résulte consacre le nouveau Lautrec: orchestrations élaborées, teintées de R&B (sur certaines adaptations de Sam and Dave, The Flirtations ou Wilson Pickett, mais aussi pour le classique “With A Little Help From My Friends" à la façon de Joe Cocker et dont Yvon Deschamps signe la version québécoise “L’amour quand tu es là"). C’est également l’album où l’on retrouve les nouveaux classiques de l’artiste: “Éloise" et “Alleluia / Les fleurs du soleil". Le chanteur est bien servi dans son virage sonore par une présence régulière à la télévision de Radio-Canada où il anime les émissions hebdomadaires Coup de soleil, puis Donald Lautrec Chaud et Zoom. La métamorphose est complétée par l’allure résolument décontractée de l’animateur: cheveux plus longs, moustache et tenue vestimentaire à l’avenant.
Son rôle d’animateur télé lui permet d’être davantage au fait des développements de la nouvelle scène musicale dont il se rapproche d’ailleurs de façon évidente. Son répertoire se fait de plus en plus singulier. Tout en puisant aux succès pop du moment, tels “Holly Holy" de Neil Diamond, il s’aventure en des terrains moins connus, voire progressifs. “Cinq heures du matin" est empruntée au groupe Aphrodite’s Child, “Oui, mon frère" est une adaptation de “Border Song" d’Elton John, “La reine araignée" est de l’auteur-compositeur Jean Fortier, ancien membre du groupe Les Cailloux. Donald produit et coréalise à cette époque le premier album du groupe Dionysos en collaboration avec un jeune homme plein d’idées, qui s’imposera plus tard dans l’industrie du disque, Michel Bélanger.
Avec son vieux complice et ancien impresario, Yvan Dufresne, Donald Lautrec entreprend son plus ambitieux projet en 1972. Il s’assure la collaboration de solides musiciens qu’on retrouve dans le décor des meilleures productions: Germain Gauthier, Hovaness Hagopian et Red Mitchell pour n’en nommer que quelques-uns, ainsi que de futurs membres du Ville Émard Blues Band, tels Yvan Ouellet et Michel Robidoux. Un jeune auteur des plus prometteurs, qui a déjà fourni quelques succès à Steve Fiset et à Monique Leyrac, est mis à contribution: Luc Plamondon. Claude Dubois fournit deux textes: “Depuis que j’suis né" et “Quand on a cessé d’attendre", de même que Michel Garneau avec “Je suis en amour". Lautrec lui-même cosigne plusieurs musiques, notamment avec Gauthier et Robidoux. Une collaboration de ce dernier “La marmotte" pourra être considérée comme annonciatrice des thématiques de Beau Dommage, à deux ans d’intervalle. D’ailleurs on apprendra plus tard que des membres de ce groupe avaient présenté quelques oeuvres à Donald avant de les enregistrer eux-mêmes.
Le contenu de “Fluffy“, le titre de cet album d’exception, est au diapason des meilleures productions du temps. Les chansons “Le soleil est parti", “À ma blonde blues" et “Ma montre pis moé" n’ont rien à envier à la nouvelle chanson québécoise du début des années 70. La pochette elle-même est une oeuvre d’art en soi: des dizaines de chats stylisés signés Vittorio, futur concepteur d’affiches (dont le personnage emblématique du festival Juste pour Rire) et de pochettes pour l’Ensemble Claude Gervaise et pour Offenbach, entre autres contributions. Pourtant, seule la pièce “Le mur derrière la grange", parue en 45 tours avec “Le soleil est parti", passera vraiment à la postérité, si bien que l’album originel fait aujourd’hui figure d’objet de collection. Une timide séquelle est tentée avec l’excellente “J’pense que j’pourrai pas passer l’hiver" qui ne connaît qu’un succès d’estime.
Bien qu’il grave encore plusieurs 45 tours au cours des années qui suivent, la carrière de Donald s’oriente alors davantage vers la télévision que la chanson. Après un effacement de quelques années, il revient en force au début des années 80 et joue à nouveau un rôle de pionnier en devenant un des premiers présentateurs de vidéoclips à la télévision québécoise, clips qu’il intègre à ses émissions Lautrec ‘81, Lautrec ‘82, etc. À partir de 1985, sa maison de production Riviera connaît un immense succès avec les jeux de société Charivari, La roue chanceuse, etc. ainsi que leur adaptation au petit écran, de même que l’émission Action-Réaction, animée par son ancien confrère Pierre Lalonde. Quant à sa carrière au cinéma, la dernière apparition de l’acteur remonte au film Maria Chapdelaine (1983) de Gilles Carle, où il tenait le rôle de Lorenzo Surprenant, le prétendant américain de Maria, jouée par Carole Laure.
Si la vie de l’ancienne idole se déroule maintenant loin des feux de la rampe, la parution de l’essentiel de son répertoire sur DC a permis aux ex-fans des sixties de renouer avec ses chansons au début de la décennie 2000. Un premier album “Les grands succès“, paru à l’été 2006, allait être suivi de la réédition des titres de l’époque “Fluffy“, puis de ses chansons à saveur “R & B“, la plupart provenant de son album éponyme de 1969, enregistré en partie à Londres et orchestré par Arthur Greenslade et Roy Bud. La collection sera complétée par une compilation de ses années yéyé et par un album en spectacle.
À la fin de l’été 2009, la nouvelle commence à circuler sur la possibilité d’un retour en studio et à la scène. La chose se concrétise début novembre avec la parution de “Lautrec à jamais, le premier album de chansons inédites de sa carrière à paraître initialement sur CD. L’artiste y cosigne quatre des titres dont “Mon univers", “Mon dernier slow" et “En amour pour toujours" sur une musique de Chris de Burgh. “Tellement", une collaboration d’Élisabeth Anaïs et Richard Cocciante, vogue en des eaux plus poétiques tandis que des reprises fort honnêtes de “Un peu d’innocence", “Salut les amoureux" ou “Aranjuez" rappellent ses qualités d’interprète. En prévision de son retour sur les planches, en 2010, le revenant de la scène assure que des titres de sa première carrière se mélangeront à ses nouvelles chansons.
On peut visiter le site officiel de Donald Lautrec.
© Richard Baillargeon, Roger T. Drolet, 2015, qim.com